Nécessaire pour certains, remise en cause du statut particulier de l’avocat pour d’autres, l’adoption des modes de fonctionnement de l’entreprise aux cabinets d’avocats apparaît de plus en plus évidente.
Le managing partner d’un grand cabinet parisien doit-il désormais être considéré comme un PDG ? Doit-il plus qu’avant insuffler une stratégie ou doit-il rester un parfait juriste, un technicien du droit, fin analyste et négociateur capable de séduire de nouveaux clients tout en conservant les anciens ? Dans le modèle anglo-saxon la question ne se pose pas. L’avocat peut démarcher, prospecter, faire de la publicité, être rémunéré quasi uniquement en fonction de la réussite de ses affaires. Bref l’avocat anglo-saxon est devenu un véritable businessman.
Qu’en est-il en France ?
Certes la vision classique de l’avocat comme artisan solitaire, agent essentiel d’une bonne administration de la justice a évolué. Certes la loi Hamon du 17 mars 2014 autorise désormais le démarchage entraînant les espérances de la presse spécialisée mais quelle est la réalité de cette transformation ?
Cette mutation, ou tout du moins cette adoption d’une partie des codes de l’entreprise est d’abord le fruit d’une évolution globale. A l’heure de la start-up nation, le modèle de gestion de l’entreprise est devenu le référant partagé par tous. L’action publique s’en inspire, le mode associatif le copie, rentabilité et efficacité sont devenus les maîtres mots de toutes activités, économiques ou non.
Dans ce cadre, le passage d’une logique « avocat » à une logique « cabinet » illustre parfaitement le changement opéré par le secteur. Désormais, les grandes marques sont aussi celles des law firms et non plus uniquement celles des ténors du barreau.
Nécessité d’être dans l’air du temps
La transformation de l’activité résulte également de la volonté des cabinets de se développer en singeant le modèle de ses clients.
Il est ainsi intéressant de noter que l’appropriation des codes de l’entreprises, comme la division en départements, la mise en place d’outils de reporting ou le recrutement de fonctions supports (RH, marketing/Communication, finances.) est bien plus le fruit des grands cabinets d’affaires organisés sur le mode de fonctionnement des law firms américaines que des petites structures individuelles.
Or différentes études tendent à démontrer que l’une des clefs de distinction entre cabinet d’affaire et cabinet généraliste est justement la part de clients particuliers pour les uns et institutionnels pour les autres.
L’adoption d’un modèle plus proche de celui de l’entreprise est donc d’abord et avant tout le fruit des choix stratégiques des grands cabinets adoptant ainsi le fonctionnement de leurs propres clients. Mais la raison essentielle et principale de cette évolution n’en reste pas moins la recherche des meilleurs pratiques permettant d’accroître la rentabilité des cabinets. Dans un environnement très largement concurrentiel la recherche de rentabilité est devenue une nécessité stratégique mais également économique.
Réduire les coûts, limiter le turnover et les débauchages, offrir à ses employés/collaborateurs des conditions de travail leur permettant de gagner en productivité, les codes de l’entreprise sont désormais totalement adoptés par les grands cabinets.
Le modèle hiérarchique est également reproduit
Certes l’avocat collaborateur reste indépendant et si la fin de l’avocat salarié est une réalité, la division en départements structurés entre associés, collaborateurs senior, junior et stagiaires implique l’existence d’une forme de lien hiérarchique.
On trouve également des responsables du développement commercial dans de grands cabinets français, tâche traditionnellement dévolue aux associés. Les cabinets s’équipent de CRM, outil de gestion de la clientèle. Les logiciels de gestion, proposés par des sociétés comme Jarvis Legal, permettent d’améliorer la productivité des équipes et facilite le travail collaboratif.
Formation professionnelle
La notion de formation professionnelle est également un élément à part entière du parcours des collaborateurs avec la création de véritables organismes dédiés comme l’agence Joberwocky de Nathalie Sevestre. Enfin, l’amélioration des outils de reporting permettent aux associés de pouvoir piloter dans des conditions optimisées l’activité de leurs cabinets.
Un des éléments les plus révélateurs de cette évolution est sans aucun doute l’arrivée des Hapiness Office Manager dans les grands cabinets. Cours de Yoga et autres petites attentions au bien-être des collaborateurs ont permis de réduire les cas de burn-outs et autres crises de nerfs qui rythmaient la vie des cabinets d’affaires.
On le voit, le mode de fonctionnement des cabinets évoluent, la petite boutique tenue par quelques associés fondateurs réputés a laissé la place aux law firms, souvent à dimension internationale dont le nom /la marque, est gage de sérieux et de qualité. Ces grands ensembles souvent constitués par un noyau dur d’associés. Entre baisse des prix tirée par une concurrence de plus en plus féroce et un regroupement de plusieurs cabinets de tailles intermédiaires sont devenus les nouveaux référents du marché.
Mais ce modèle, apparu au début des années 2000 semble lui aussi trouver ses limites remise en cause de certains tarifs pratiqués, le modèle de la law firm à peine installé, semble déjà remis en question.